Le public en SEGPA
Le public scolarisé en SEGPA accueille « des élèves présentant des difficultés scolaires graves et persistantes auxquelles n’ont pu remédier les actions de prévention, d’aide et de soutien. Ces élèves ne maîtrisent pas toutes les compétences et connaissances définies dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture attendues à la fin du cycle des apprentissages fondamentaux, et présentent des lacunes importantes qui risquent d’obérer l’acquisition de celles prévues au cycle de consolidation » Circulaire n° 2015-176 du 28-10-2015.
Ce public peut présenter un absentéisme fort pour certains et un lien particulièrement difficile avec l’acquisition des savoirs, l’école et/ou les codes de l’école.
Le workbook : origine et utilisation
Les workbooks sont issus du système éducatif anglo-saxon. Ce sont des manuels papiers distribués aux élèves. Ils sont généralement remplis d’exercices pratiques, où les réponses peuvent être écrites directement dans le cahier. En France, nous sommes nombreux à avoir eu l’expérience du workbook en anglais pendant le collège ou le lycée. Je me souviens d’un cahier piqué en lien avec le manuel scolaire fourni par l’établissement que nous devions acheter auprès de l’enseignant-e ou encore à la librairie du coin.
L’enseignant-e complète ou mène son cours avec, il peut servir pour les activités en autonomie, les devoirs ou encore pour accompagner le travail personnel de l’élève en dehors de la classe. c’est souvent un travail d’une maison d’édition avec des enseignants confirmés derrière.
De mon expérience d’élèves, il n’est pas toujours terminé et est généralement attribué à une année complète.
Le workbook au service de la SEGPA
En s’appuyant sur ces définitions et au travers de mes expériences, j’ai pu expérimenter la mise en place du workbook en classe de SEGPA pour l’Anglais, l’Histoire Géographie et les Maths.
Initialement, j’ai mis en place ce système dans ma pratique de classe pour l’Histoire. Mes connaissances en la matière et le format du double niveau dans ma classe de 6ᵉ/5ᵉ me donnaient trop de contraintes pour mener la matière correctement. J’ai donc mis en place un livret avec le plan suivant :
- Couverture accrocheuse avec titre
- Définitions
- Sommaire avec flashcode vers le cours
- Activité d’accroche volontairement facile et accessible
- Cours
- Exercice de découverte ou exercice d’application
- Cours
- Exercice de découverte ou exercice d’application
- …
- Synthèse
- Sketchnote ou carte mentale
- Evaluation
- Dos de livret avec frise chronologique
Ce format a été plébiscité immédiatement par mes élèves, le rendu graphique grâce aux outils de Canva les ont charmés et le format livret qui reste juste à perforer pour le ranger dans le classeur s’est avéré trés pratique sur de nombreux points.
De plus, l’expérience m’a montré que le suivi de la prise de notes et des exercices était bien plus facilité pour eux comme pour moi.. J’ai repris le même principe mais pas forcement sur le même plan par la suite en Anglais et en Mathématiques.
Coté enseignant
Me concernant, grâce aux livrets, je peux faire rapidement un point sur ce qu’a manqué un élève (en lien avec une absence par exemple) et lui demander de rattraper rapidement chez lui, en étude ou sur un autre temps du cours avec lui ou elle.
Le flashcode au début du livret lui permet ainsi de retrouver les traces écrites préparées en amont pour les recopier ou s’en inspirer. Je peux ainsi corriger un écrit en ligne (modification ou erreur) sans impacter les impressions existantes. Les devoirs sont intégrés directement dans le livret et je ne peux les oublier (ni les élèves d’ailleurs). Si mes impressions en livrets sont faites, j’ai en théorie tout ce dont j’ai besoin pour mener mon cours à bien (avec sa présentation genial.ly associé à chacun de mes livrets).
Mes livrets enseignants, en plus d’avoir les corrections aux exercices et les traces écrites préparées en avance, disposent de compléments d’informations (surtout en histoire géographie) et me permet d’étayer mes cours au besoin tout en me forgeant une culture sur le sujet.
Quelques calculs coté impact papier :
Je fais un livret par chapitre, ce qui représente pour l’Histoire Géographie en 6ᵉ (la matière où j’ai le plus grand nombre de chapitres), 16 livrets pour chaque élève et 16 livrets enseignants. On a donc au total pour une année scolaire et une classe de 16 élèves : 272 livrets à imprimer (en recto verso). Cela représente pour une moyenne de 20 pages par livret : 5 feuilles A3 ou 10 feuilles A4.
On est donc à 1 360 feuilles A3 (ou 2 720 pages A4) pour une année scolaire. Cela semble énorme, nous sommes d’accord. Moins de 3 ramettes A3 ou encore moins de 6 ramettes A4 pour toute une année scolaire.
Et le cahier ? Si on le ramène à son usage classique, sans compter les feuilles supplémentaires que l’ont peut coller, on est généralement sur un cahier de 96 pages en format A5 (plus généralement le A4 est utilisé au secondaire mais c’est peut-être une erreur : Charivari l’aborde avec sagesse dans un article).
Retournons à nos calculs faits a minima, pour une classe de 16 élèves, nous sommes donc à 16 cahiers à 96 pages soit un équivalent à 1536 pages A5 pour la classe sans compter les besoins enseignants. Avec un cahier A4, on passe à 1536 pages A4 c’est toujours moins que nos livrets.
Et le classeur ? On va retrouver sensiblement les mêmes calculs : 1 classeur par élève, 100 feuilles simples à carreaux, on arrive à un total de 16 classeurs et 1 600 feuilles A4. Sans compter les ressources à distribuer ou celle pour l’enseignant.
Résultats des courses en équivalent A4 :
- Livrets : 2 720 pages A4 tout inclus
- Cahiers : 1 536 pages A4 sans compter les documents annexes
- Classeurs : 1600 feuilles A4 sans compter les documents annexes
La différence est énorme et je peux fonctionner avec ce volume car je suis dans un établissement REP+ où les photocopies ne sont pas limitées au grand bonheur de mes élèves et au grand dam de notre gestionnaire.
Le retour des collègues utilisant mes ressources semble très positif, en regardant les statistiques, les livrets sont régulièrement téléchargés (480714 téléchargements à ce jour). Et j’ai de nombreux messages pour me faire remonter la qualité du travail. Une tendance semble se profiler sur les néo-enseignants en SEGPA (environ 50% des messages).
Le retour positif sur l’apprentissage de mes élèves et la facilité/flexibilité de la menée de mes cours sont inestimables, j’ai gagné un confort que j’aurai du mal à perdre.
Toutefois le travail investi est gigantesque, je mets environ une demi-journée pour faire un livret, ce qui représente pour l’Histoire Géographie en 6ᵉ plus de 8 jours de travail (environ 56h de café !) et j’y retourne plusieurs fois par an pour adapter, modifier ou faire évoluer après le retour de mes élèves ou d’un collègue.
Pour vous donner un ordre d’idée j’ai au 23 aout 2022, 93 livrets de faits toutes matières confondues soit plus de 325 heures de travail (plus de deux mois en équivalent temps plein pour les non profs). Je pense que nous sommes sur une estimation basse.
Je travaille actuellement sur les mathématiques et il me reste à l’heure où j’écris ces lignes 20 modules à faire, autant d’heures de travail que je vais devoir organiser (mes 10 prochains mercredis ?).
Coté élèves
L’utilisation du livret permet aux élèves de s’affranchir d’une présentation à tenir avec le temps. Les premières années, j’ai insisté (parfois trop) pour tenir un cahier/classeur à jour, propre et en respectant un format commun. En plus de leur difficulté scolaire, j’ai réalisé que je leur imposais une difficulté supplémentaire. J’ai réalisé que mon objectif premier était la transmission/compréhension du savoir et non la tenue d’un cahier.
Avoir chacun son livret permet aussi aux élèves de s’entraider plus facilement. Ils comparent mieux, s’organisent mieux et disposent chacun d’un support adapté à leur usage. Il m’est arrivé d’imprimer sous un format diffèrent ou en changeant la police pour des élèves en particulier (merci Canva et leur outil de modification rapide).
Le petit format du livret (une vingtaine de page) est emportable rapidement dans une pochette et les élèves peuvent laisser leur classeur avec le reste à la maison ou en classe. Ils peuvent ainsi travailler plus aisément à la maison ou en étude (ou encore à 7h40 devant le collège 😅).
La révision avant l’évaluation se retrouve aussi facilitée car celle-ci est en lien avec le livret et les traces écrites manquantes peuvent être complétée avec les flashcodes intégrés. De plus, en mathématiques chaque devoir est accompagné d’un flashcode menant à la correction sur segpa.org.
En conclusion
Avec le recul et malgré le temps accordé à l’élaboration des livrets, le fonctionnement du workbook en SEGPA correspond à ma pratique de classe et aux besoins éducatifs particuliers de mes élèves. Je suis conscient de certains points à faire évoluer : réduire l’impact papier, réduire l’utilisation de la couleur et de l’encre pour faire de l’éco-design. Ajouter plus de lien avec le numérique (mais cela suppose que les élèves soient équipés), plus de correction et de liens avec des savoirs fondamentaux, sont des choses que je souhaite mettre en place aussi avec plus de régularité.
l me reste encore beaucoup de travail pour arriver à un résultat presque parfait à mes yeux, mais cela reste plaisant, pratique, sécurisant et adapté à mes élèves et à mes usages pédagogiques !
N’hésitez pas à me faire un retour sur Twitter si vous souhaitez échanger avec moi sur le sujet !
John PEWEB
Enseignant spécialisé en SEGPA